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"Nous sommes en présence d’une identité manifeste (...)"

Être, agir : deux nécessités pour le Québec

samedi 22 août 2009

Par Philippe Jean Poirier et Simon Beaudry

« Au cours des dernières décennies, la collectivité [québécoise] a traversé une mutation qui l’a fait entrer dans la modernité ; son identité en a été bouleversée. Nous tâtonnons encore à la recherche d’une figure de nous-mêmes. »
 Fernand Dumont Genèse de la société québécoise

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Stephen Harper a pris tout le monde par surprise, il y a quelques semaines, en portant au Parlement une motion sur la « nation québécoise ». Le geste a eu comme répercussion de signaler notre présence québécoise en Amérique, de Vancouver à Washington.

Il nous appartient maintenant d’y donner suite. Deux actions viennent à l’esprit : mieux définir ce que nous sommes, les Québécois, avant que l’on règle cette question pour nous, et engager notre avenir sur une voie mature, celle de l’indépendance.

Être ou ne pas être (une nation)

La motion conservatrice nous force à sonder le sens des mots. Le terme « nation » désigne généralement une de ces trois choses : une race, un peuple ou un pays. Le Québec n’est certes pas un pays. Une race ? Il est permis d’en douter. René Lévesque disait : « on est peut-être quelque chose comme un grand peuple. »

Le peuple du Québec est formé de plusieurs nations (au sens premier du terme…) : une majorité canadienne-française, une minorité canadienne-anglaise, des autochtones, des Acadiens ainsi que les personnes issues de l’immigration. S’il s’en trouve pour dire qu’un « vrai » Québécois est un citoyen d’origine canadienne-française, nous ne souscrivons pas à cette vision. L’identité québécoise telle que nous la concevons est façonnée par des gens d’origines diverses.

L’identité québécoise : une notion jeune dans l’Histoire du Québec

Considérant notre âge - presque 30 ans, nous appartenons sans doute à la première génération qui a grandi avec la conviction d’être Québécois, comme si cela avait toujours été, et comme si cela allait de soi. Notre génération se démarque en cela des deux précédentes.

Nos grands-parents s’affichaient Canadiens-Français. Ils formaient une nation mal nantie, à la merci d’impératifs catholique et anglais. La génération de nos parents a brisé cette condition de précarité en posant des gestes de rupture et d’affirmation. Ils se sont donnés un Québec français, un Québec laïque. La révolution tranquille a jeté les bases d’un modèle « québécois » qui a permis un rattrapage fulgurant, une mise à niveau des Canadiens-Français d’alors et la réappropriation collective de la fierté d’exister.

De ce désir d’émancipation, est née l’identité québécoise.

Le Québec culturel a explosé au tournant des années 50, 60. Il s’est doté d’une littérature, d’un cinéma, d’une politique et d’une économie qui lui sont propres. Les figures mythiques abondent : Ferron, Victor-Lévy Beaulieu, Brault, René Lévesque, pour ne nommer que ceux-là.

L’identité québécoise est une notion jeune dans notre Histoire. Il nous appartient plus qu’à quiconque — nous, les enfants des baby-boomers et les gens issus de l’immigration récente ou passée— d’en prendre conscience, de s’approprier cette identité et de la mettre en action.

Le Québec international

La motion de Stephen Harper a généré beaucoup de confusion à l’extérieur du Québec. Chez les Anglo-saxons, la « nation » prend plus souvent le sens de pays. Ceci expliquant cela, plus de 70% des Canadiens hors Québec ne reconnaissent pas que les Québécois forment une nation. Difficile d’y échapper : Nous existerons pour les autres le jour où nous parlerons un langage connu de par le monde : celui d’une Nation dotée d’un État libre et indépendant qui s’adresse à une autre Nation dotée d’un État libre et indépendant.

D’ici là, notre ouverture sur le monde se cantonnera à un niveau individuel, elle restera éparse et fragmentée. Notre conscience collective n’aura pas de voix pour aller à la rencontre des réalités mondiales.

Agir

Le cadre fédéral canadien rend ardu l’expression de cette identité encore récente et fragile. L’indépendance du Québec est nécessaire à la préservation de notre héritage et à l’affirmation de notre identité.

En poursuivant cet objectif, nous ne devons toutefois pas nous soustraire de nos devoirs citoyens. La société québécoise est confrontée aux défis de son époque, et elle doit y faire face, qu’elle soit indépendante ou non. L’éducation, la protection du bien commun, la préservation de notre environnement, la lutte à la pauvreté et l’épanouissement culturel figurent en tête de liste. Ces préoccupations appellent des actions dès maintenant.

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