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"Nous sommes en présence d’une identité manifeste (...)"

Radisson l’intrépide

mercredi 26 janvier 2011

Entrevue avec Jean-Sébastien Bérubé, auteur de la bande dessinée "Radisson : 2- Mission à Onondaga". Propos recueillis par Philippe Jean Poirier.

PJP : Dans Contes et légendes du Québec, je trouve génial que tu aies décidé de transplanter l’univers de la piraterie en territoire québécois, au Cap-à-l’Orignal plus précisément. D’où vient cette idée ?

JSB : Au sujet de Contes et légendes du Québec, la nouvelle en question que j’ai illustré est tirée de la légende du trésor du Cap-à-l’Orignal. Cette légende est racontée dans le livre Histoires, chansons et légendes du Bas-Saint-Laurent par Jean-Pierre Pineau. C’est une histoire de pirates qui cachent un trésor au Cap-à-l’Orignal. Dans la version originale, les pirates deviennent des fantômes à la fin, mais j’ai supprimé cette partie de l’histoire, parce que je n’aime pas les trucs fantastiques.

PJP : Tu viens de publier le deuxième tome de ta série sur Radisson. D’où vient l’idée d’un tel projet ?

JSB : Au sujet de Radisson, l’idée originale d’adapter sa vie en BD vient de mon père, aujourd’hui décédé, qui a insisté pendant des années pour que je fasse cette bande dessinée. Au début, cela ne m’intéressait pas du tout. Je trouvais que ça avait l’air fastidieux et ennuyant de faire une bande dessinée historique et l’histoire du Québec me laissait totalement indifférent. Puis un jour j’ai accepté, à la demande de mon père, de lire l’autobiographie de Pierre-Esprit Radisson et ça m’a jeté par terre. On connaît la suite.

PJP : Qu’est-ce qui t’a « jeté par terre » ? Est-ce la vie intrépide de cet aventurier ? Ou plus largement, est-ce le contexte historique qui t’a séduit ?

JSB : Définitivement la vie intrépide de cet aventurier. Sa personnalité et ses choix de vie, son courage et son audace. Faire une bande dessinée historique sur un personnage quelconque pour le plaisir de faire une bande dessinée historique ne m’intéressait pas. Ce qui m’intéressait était de raconter la vie de Pierre-Esprit Radisson, peu importe le contexte dans lequel il a vécu. Mais, évidemment, je ne pouvais pas raconter sa vie sans raconter le contexte de l’époque, et cela apporte un plus à l’histoire. J’avais envie de raconter la vie d’un homme qui a vécu avec les Amérindiens et qui s’est rebellé contre la France pour aller chez les Anglais et contre l’Angleterre, ensuite, pour retourner chez les Français, et vice versa plusieurs fois de suite. On ne voit pas ça tous les jours dans l’histoire du Québec et c’est ça qui m’intéresse. J’aime aussi le fait qu’on ait pu détester ce personnage. Cela suscite parfois de drôles de discussions dans les salons du livre. Il m’est arrivé à quelques reprises que des visiteurs d’un certain âge soient venus me dire qu’ils étaient insultés que j’aie fait une bande dessinée sur Radisson plutôt que sur Champlain ou Jacques Cartier. Pour eux, Radisson est un bandit ou un traître.

PJP : Lorsque tu écris le scénario d’une BD, et que tu en dessines les planches, quels sont tes sources d’inspiration ? T’inspires-tu d’autres BD, de films, de livres ou autres ? Dans le cas de Radisson, y a-t-il des références précises à des artistes que tu aimes ?

JSB : Je pourrais dire que mon style de dessin ou de BD est un mélange de plusieurs artistes qui m’ont inspiré. Ceux qui connaissent beaucoup la BD pourraient remarquer que mon trait imprécis rappelle ceux de Nicolas De Crécy, Joann Sfar et Christophe Blain. Quant à la façon dont je place mes cases les unes à côté des autres, on peut voir une influence de Loisel et Tripp. Ces derniers m’ont d’ailleurs enseigné pendant longtemps, ce qui explique cette ressemblance. Mais, récemment, j’ai commencé à me détacher de cette influence pour essayer d’autres cadrages, entre autres dans le tome 2 de Radisson et dans le tome 3, que je suis en train de faire. Je suis aussi de plus en plus influencé par le manga et le comic book américain. Des influences que l’ont pourra constater dans le tome 3 de Radisson.

Pour la scénarisation, j’ai toujours imaginé faire la BD de Radisson comme un film. C’est pourquoi je tiens à ce que mes cadrages soient le plus cinématographiques possible. J’ai beaucoup regardé les films Robe noire et Le dernier des Mohicans, pour la documentation sur les décors et les costumes. Je m’inspire aussi un peu du western. Côté livres, j’ai lu pratiquement tout ce qui a été écrit sur Radisson, que ce soit des trucs véridiques ou fictifs. J’ai lu aussi beaucoup de livres sur les Amérindiens, les coureurs des bois et la vie en Nouvelle-France. Il y a un livre, entre autres, que j’ai beaucoup aimé qui s’appelle Les coureurs des bois, la saga des Indiens blancs. Mais mon outil de référence ultime reste l’autobiographie de Pierre-Esprit Radisson, que je relis sans cesse pour être sûr de ce que je raconte.

PJP : Sais-tu déjà combien de tomes comptera ta série ? Va-t-on suivre les aventures de Radisson jusqu’à la baie d’Hudson ?

JSB : Je prévois faire cinq albums en tout. Les aventures de Radisson à la baie d’Hudson feront partie des trois albums suivants avec, bien sûr, d’autres sujets importants concernant sa vie.

PJP : Après Radisson, comptes-tu poursuivre dans la voie de la BD historique, ou alors explorer d’autres avenues ?

JSB : J’aimerais faire quelque chose de contemporain. Il y a certains sujets dans l’actualité que j’aimerais aborder et qui traitent de préoccupations que j’ai envers la société d’aujourd’hui. J’aimerais aussi parler de sujets qui me passionnent depuis toujours, sans rentrer dans les détails, d’un coup que quelqu’un sort un truc du genre avant moi ! Mais pour l’instant je me concentre sur Radisson qui occupera encore les trois ou quatre prochaines années de ma vie !

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