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"Nous sommes en présence d’une identité manifeste (...)"

Essai-graphique sur le drapeau québécois

mercredi 12 mai 2010

Pour les 60 ans du drapeau québécois / 21 janvier 2008 (1948-2008) Texte publié dans le Devoir Par Simon Beaudry et Philippe Jean Poirier

Fondé il y a un an, en janvier 2007, le collectif Identité québécoise réunit aujourd’hui une dizaine de jeunes adultes (des créateurs surtout) autour d’un objectif large, mais tout de même commun : celui « d’explorer l’identité québécoise, d’y réfléchir et de participer à sa création ».

Au moment même de sa fondation, le collectif ouvrait un chantier de réflexion sur le drapeau québécois, avec une suite dans les idées... Le fleurdelisé fête cette semaine ses 60 ans, et l’occasion nous paraît tout indiquée de dévoiler le fruit d’une démarche, qui de fait a débouché sur la proposition d’un nouveau drapeau québécois.

Évidemment, nous ne sommes pas sans savoir que le drapeau d’un pays ou d’une nation est un sujet délicat. C’est pourquoi l’exercice doit être remis dans son contexte : chez IQ, il nous intéressait d’abord et avant tout « d’explorer » l’histoire de ce symbole identitaire, de « réfléchir » à son évolution ; puis de l’investir de notre créativité afin de « participer à la création de l’identité québécoise » par nos modestes moyens.

Cet essai-graphique propose de réunir visuellement les quatre carrés bleus dotés du lys en un seul rectangle bleu avec un seul lys blanc au centre.

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@ 2008 collectif Identité québécoise direction artistique : Simon Beaudry
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@ 2008 collectif Identité québécoise direction artistique : Simon Beaudry animation : Emmanuel Mazeron son : Mathieu Morin / studio La majeure

Notre argumentaire se déploie en trois temps. Il s’appuie d’abord sur un principe de la communication moderne qui veut que la simplification des symboles optimise l’échange d’information. Cela mis en évidence, il faut encore s’assurer que le symbole retenu, en occurrence le lys, constitue un emblème légitime et souhaitable pour les Québécois ; un survol historique nous en convaincra. Enfin, nous nous pencherons sur quelques éléments symboliques nouveaux issus du drapeau modifié, dont celui d’un Québec uni plutôt que divisé ; celui d’un Québec laïc (mais non moins catholique, nous le verrons) et français.

Éléments de communication

L’histoire des logos des grandes entreprises depuis plus de cent ans tend à montrer, toutes sans exception, que les symboles qui les représentent se simplifient avec leur déploiement dans le temps, éliminant graduellement les mots, les ornements, les fioritures, parfois même les mots au profit d’un symbole graphiquement simple et reconnaissable pour tous, peu importe l’auditoire. Cette efficacité graphique est aisément repérable chez les grandes marques telles que Nike, Shell, Apple ou la Croix-Rouge.

On observe ce même phénomène pour le nom des artistes qui survit à l’épreuve du temps. Paul-Émile Borduas est devenu « Borduas ». Céline Dion a vu sa signature « Céline » s’imposer comme un élément évocateur. La communication est ainsi efficace et rapide.

La simplification des corps identitaires graphiques de toutes natures (drapeaux, logos, sigles, acronymes, etc.) est motivée par la même volonté de communiquer efficacement, le plus rapidement possible, un message à un auditoire donné. Dans le cas qui nous occupe, un drapeau aura pour but de communiquer un ensemble de valeurs et de caractéristiques communes, le sens d’une histoire partagée, ainsi qu’une volonté de se projeter dans un idéal qui inspire la fierté.

Suivant le raisonnement, ne serait-il pas opportun d’engager le drapeau québécois actuel dans un processus de simplification similaire ? Nous croyons que oui, et c’est ce qui motive notre choix de réunir les quatre lys en un seul symbole, plus simple donc plus fort. Une question se pose alors : le lys, maintenant seul au centre du drapeau, constitue-t-il un emblème national qui sied à la nation québécoise ? Pour répondre à cette question, il faut regarder en arrière et voir ce que le lys a voulu dire dans l’histoire.

Le lys d’hier à aujourd’hui

Il est important de savoir que la fleur de lys est un des plus vieux emblèmes au monde. On le retrouve en effet depuis plus de 5000 ans chez différents peuples selon un usage, tantôt emblématique, tantôt décoratif. On le retrace chez les Assyriens, puis en Inde, Égypte, Grèce, Rome, en Gaule, chez les Perses, les Arabes et en Espagne. Les Anglais et les Écossais l’ont utilisé, de même que les peuples amérindiens.

Pour certaines civilisations, il a incarné par ses caractéristiques la force, le désir, la sexualité et la fécondité. Certains y ont vu la représentation des organes génitaux, l’extrémité d’un trident ou d’une pointe d’arme. D’autres l’ont fait dériver de l’iris, fleur jaune qui poussait sur les rives de la Lys en Belgique.

Le lys devient un symbole de la France lorsque, dit-on, un ange aurait apporté un bouclier serti de trois lys à Clovis, chef des Francs et conquérant de la Gaule ; ce miracle donne la victoire à Clovis et marque le début de l’unification de la France actuelle. Il se répand alors comme symbole français, royal surtout, mais aussi comme le symbole catholique par excellence.

En Nouvelle-France, le lys apparaît sur divers objets, pièces de vêtement ou d’orfèvrerie. Bien que brutalement abandonné en France au moment de la Révolution, il continue d’être utilisé en terre d’Amérique comme un symbole faisant référence à la culture et aux origines françaises des « Canadiens » (Québécois).

Le lys seul marque aussi notre histoire récente. L’appareil gouvernemental québécois a fait un usage fréquent du lys blanc sur fond bleu, et ce, depuis les années 70. Alors que jadis ce « logo » authentifiait les ministères, il sert aujourd’hui à distinguer les routes du Québec et à ornementer les immatriculations.

D’autre part, la population québécoise s’est elle-même appropriée le lys. Il n’est pas rare de le voir utilisé seul, en décoration sur des maisons, des ornements, des fanions, t-shirt, casquettes et autres objets promotionnels de la Saint-Jean-Baptiste. Il semble gagner en popularité année après année.

La proposition IQ

Le lys constitue le symbole indiscutable et officiel du Québec ; cela nous paraît évident. Hélène-Andrée Bizier et Claude Paulette concluent d’ailleurs en ce sens dans un livre sur le sujet, en affirmant que « la fleur de lys est l’emblème de tous les Québécois ».

Le drapeau actuel nous montre quatre lys, sauf que chacun d’eux est isolé dans son carré bleu, qui eux-mêmes sont séparés par d’épaisses bandes blanches. L’image est celle d’un Québec « divisé », et c’est là tout le problème. Il existe à notre avis une manière plus forte et plus simple d’évoquer graphiquement la nation québécoise.

Conceptuellement, la proposition du collectif IQ se présente comme l’unification des quatre morceaux séparés du drapeau actuel en un seul lys plus grand et plus fort.

La croix disparaît au profit du lys, emblème de tous les Québécois. Pour ceux qui voient cette perte d’un mauvais oeil, rappelons simplement que le lys à lui seul fut aussi dans l’histoire un symbole de la foi catholique.

Notre proposition s’appuie sur un usage répandu du lys autant chez le gouvernement que chez la population civile. Elle affirme une présence française et laïque en Amérique. Elle participe enfin, à notre avis, à une évolution normale et moderne du fleurdelisé actuel.

Que l’on regarde l’évolution des drapeaux à travers l’histoire du Québec. Jacques Cartier arrive en Amérique avec un drapeau à trois lys. Plus tard, la bannière de Carillon obtient un succès populaire sans toutefois devenir un drapeau officiel. Le fleurdelisé, adopté à l’Assemblée nationale en 1948, en réhabilite néanmoins le symbole en remaniant les lys vers le haut.

Le collectif IQ propose un « nouveau » symbole identitaire en règle avec l’histoire du drapeau, qui respecte les normes héraldiques, tout en évoquant la nation québécoise avec force. Ainsi, notre drapeau devient un symbole complètement moderne, simplifié au maximum. Il possède dorénavant l’éloquence de certains drapeaux du monde parmi les plus efficaces en matière de communication : celui de la Suisse, du Japon et, disons-le, celui du Canada.

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